Lumière

 Demi-lune

La lune illumine

Un chemin dans la nuit 

Mystérieux, où mène-t-il ? 

Imagines ce que tu veux

Entres dans le chemin

Randonnée nocturne, pour

Emerger au bout de ton rêve.

Martha


La lanterne de Vinciane

Peut-on raconter une histoire sans commencer par « Il était une fois » ? Mais non bien sûr ! Alors…

Il était une fois une petite fille nommée Vinciane. Elle habitait dans une maisonnette au cœur d’une grande et sombre forêt. Vinciane possédait un joli petit chaton noir avec, au milieu du front, une tache blanche en forme d’étoile.

 

Mais ce matin, le petit chat a disparu, impossible de le trouver ni dans la maison, ni dans le jardin, ni aux alentours. Alors, elle part seule sur le chemin caillouteux, emportant avec elle une lanterne, un petit sac à dos contenant quelques biscuits et Clair de Lune, son doudou préféré.

 

En chemin elle rencontre un homme d’affaires portant costume, cravate et souliers vernis. Elle s’adresse à lui ainsi :  

- Bonjour monsieur, excusez-moi de vous importuner. Pourriez-vous éclairer ma lanterne pour m’aider à retrouver mon petit chat égaré ? » 

Le businessman lui répond d’une voix ferme : 

- Mademoiselle, je n’ai pas le temps. Si tu veux éclairer ta lanterne, tu n’as qu’à briller en société ! »

Et il passe son chemin.

 Vinciane, un peu dépitée, continue d’avancer et rencontre un lièvre pressé, elle lui demande : 

- Bonjour monsieur le lapin, excusez-moi de vous ralentir. Pourriez-vous éclairer ma lanterne pour m’aider à retrouver mon petit chat égaré ? » 

Le lièvre lui répond sèchement :

- Écoute petite, je n’ai pas le temps et je ne peux pas te faire bénéficier de mes lumières. » 

Et il repart aussitôt en bondissant.

La petite fille, un peu découragée certes mais pas désespérée, poursuit son chemin et parvient au croisement d’une route. Elle arrive à hauteur du  réverbère central, persuadée qu’elle va enfin recevoir la clarté dont elle a tant besoin. Elle lui demande très poliment : 

- Bonjour joli réverbère, peux-tu éclairer ma lanterne pour m’aider à retrouver mon petit chat égaré ? » 

Le réverbère la toise de haut et lui répond : 

- Tu tombes très mal car en ce moment je broie du noir. Passe ton chemin et cherche l’illumination ailleurs. »

La pauvrette poursuit donc sa route alors que le soleil se couche peu à peu. Elle croise un arc-en-ciel. Elle n’hésite pas et lui demande :  

- Bonsoir bel arc-en-ciel multicolore, peux-tu éclairer ma lanterne pour retrouver mon petit chat égaré ? » 

L’arc-en-ciel lui répond : 

- Ma pauvre petite, tu vois bien que nous sommes entre chien et loup, je ne brille plus de mille feux. Je m’enfonce dans la nuit et ne peux donc pas t’aider. Je te souhaite bonne chance, bonne nuit et au revoir. »

La petite Vinciane avance encore et toujours dans la forêt de plus en plus sombre, car le soleil a presque disparu. Elle s’assied au pied d’un arbre et sort de son sac Clair-de-Lune, son doudou, et le sert très fort dans ses bras. Quelques larmes scintillent dans ses yeux.

Apparaît soudain devant elle, dans un rayonnement éblouissant, comme éclairée par trente-six chandelles, une forme lumineuse et phosphorescente. Cette forme s’approche d’elle. Vinciane découvre une dame blanche  flamboyante. À côté d’elle, flotte un petit point brillant. Sans bruit, la dame blanche se baisse et ramasse la lanterne. Elle y dépose très délicatement le petit point brillant qui n’était autre qu’une luciole. Elle dit ensuite à la petite fille :

- Maintenant que ta lanterne est éclairée, tu peux traverser sans crainte les ténèbres de la sombre forêt et chercher ton petit chat. »

La mignonne ramasse son sac, son doudou et sa lanterne lumineuse. Éclairée par ce halo clignotant et rassurée, elle continue son chemin. Peu après, alors qu’elle avance, confiante, elle perçoit un tout petit miaulement sur le côté. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, assis sur un épais tapis de mousse, son petit chat. Et devinez comment s’appelait ce petit chat ? Étoile, bien sûr. 

Martine

 Lucie habitait dans une contrée sombre et glacée. Dans son pays, la nuit s’était installée. La neige l’avait accompagnée ; elle semblait grise dans cet univers sans lumière. Le froid et l’obscurité (à moins que ce ne fût l’obscurantisme) maintenaient les gens chez eux, dans leurs maisonnettes. Chacun demeurait dans son foyer et n’en sortait que lorsqu’il y était obligé. 

Tout près du village, sur une colline escarpée, se trouvait un château sombre et austère. Là, vivait la reine Mélissa qui dirigeait le pays. Elle maintenait son emprise à l’aide de son armée, encadrée par ses chevaliers couleur d’ébène. Elle faisait régner les ténèbres sur toute la contrée, grâce à la magie noire. Personne ne se souvenait de son âge, cela faisait plus d’un siècle que son règne avait commencé. C’était une femme élancée, à la chevelure de jais, aux yeux bleu-de-glace et au teint pâle. Elle aurait pu être très belle, mais une froideur émanait d’elle, répandant la peur dans son entourage. On racontait que son cœur était plus foncé que le charbon, et que son âme lugubre ne la laissait jamais au repos.

Dans cette ambiance glauque, les enfants n’allaient plus à l’école. Les parents ou plus souvent les grands-parents leur apprenaient les rudiments : lire et écrire, compter, les bases des métiers qu’ils connaissaient et quelques traditions familiales ... Un édit royal obligeait les jeunes de 16 ans à venir servir au château jusqu’à ce qu’ils se marient. Ils devaient quitter leur famille le lendemain de leur anniversaire. La vie au château était triste et désagréable, mais c’était le seul endroit où les jeunes se rencontraient. Dès qu’ils le pouvaient, ils se mettaient d’accord pour fonder leur propre famille et quitter ce lieu sordide. Bien sûr, aucune fête, aucun feu de joie pour marquer l’événement. Ils partaient un matin, dans le clair-obscur de ce qui avait été autrefois l’aube d’une belle journée. Cela faisait si longtemps que ces coutumes duraient que la plupart avaient oublié que l’on pouvait vivre autrement. Et dans ces circonstances, les motivations pour trouver un conjoint étaient loin de ressembler à une histoire d’amour. 

De cette façon, en plongeant ses sujets dans l’ignorance et en les plaçant à l’abri des sentiments, Mélissa imposait sa loi plus facilement. Nul ne trouvait l’occasion de contester, ni d’échanger la moindre idée, ni même de ressentir vraiment la joie, la peine ou la colère.

Sauf Lucie, et sa famille. Ses parents s’aimaient énormément, ils parlaient entre eux et à leurs proches. Ses grands-parents maternels et sa grand-mère paternelle vivaient dans leur foyer. Leur maison était aménagée avec chaleur. Les femmes de la famille tissaient de magnifiques tapisseries colorées. Les hommes s’occupaient des moutons pour leur laine; ils les élevaient dans des salles troglodytes. Ils faisaient pousser toutes sortes de plantes dans des serres. Souvent, la musique les accompagnait dans leurs  activités, les chansons étaient reprises par tous. Il leur arrivait de passer des soirées près de la cheminée, où entre deux chansons, les anciens racontaient des histoires ou faisaient la lecture aux plus jeunes. Lucie avait les cheveux roux de son père, bouclés et indisciplinés. Elle ressemblait à sa mère, avec son menton triangulaire et ses grands yeux noisette. Elle était vive, généreuse et intelligente. C’était la troisième fille : elle avait deux sœurs aînées : Clémence et Ida, et un petit frère encore bébé, Robin. 

Lucie était d’habitude très gaie et active. Mais depuis quelques semaines, elle était perturbée et chagrinée : Clémence avait eu 16 ans trois mois plus tôt, et avait dû les quitter pour servir au château. Non seulement sa sœur lui manquait, mais elle avait vu des larmes dans les yeux de sa mère, et son père avait beau la réconforter, ainsi que le reste de la famille, un voile de tristesse s’était déposé dans leur maison. Elle savait ce qui se passait, car dans cette famille on expliquait tout aux enfants. 

Lucie décida d’aller au château chercher sa sœur aînée. De toutes façons, elle voulait découvrir le monde. Alors, après avoir laissé un message sur la table de la cuisine, elle prit ses bottes et son manteau, ses gants, deux parts  de gâteau, un petit carnet à dessin, des crayons et ... son ours en peluche. Elle connaissait bien les lieux autour de chez elle, et n’eut aucun mal à se diriger car on voyait le château de loin : une grande masse sombre qui dominait le village et qui se découpait sur le ciel gris. On avait l’impression qu’une lumière noire baignait la colline, sans doute le reflet de la magie qui imprégnait les lieux.

Soudain, comme elle fixait le bâtiment avec appréhension, elle se heurta à deux gamins qu’elle n’avait pas vus. Deux garçons, de sa taille à peu près. Ils furent très surpris aussi. Ils se présentèrent : Pierre et Thomas. Ils allaient en cachette rejoindre d’autres enfants du village. Ils se retrouvaient depuis quelques mois dans une grotte, parce qu’ils trouvaient amusant de braver les préjugés des adultes. Selon eux, on jouait bien mieux à plusieurs, car dans leurs familles, la vie quotidienne était triste et monotone. Ils accompagnèrent Lucie sur une bonne partie du chemin, et lui montrèrent les repères permettant de les rejoindre en longeant le ruisseau, et en s’enfonçant dans la forêt. En outre, ils lui indiquèrent une entrée du château non gardée la journée car elle donnait sur une aile ancienne et inhabitée. Il fallait juste sortir avant la nuit, car la porte se fermait à 20h.

Lucie se trouva réconfortée, et reprit sa route d’un pas plus alerte. Effectivement, elle trouva la porte ouverte, traversa un jardin abandonné au charme désuet et pénétra dans un bâtiment très ancien. Elle fut impressionnée par les lieux : un grand hall en marbre, des chandeliers dorés, une volée de marches menant à une porte sculptée représentant une forêt peuplée d’animaux qui semblaient presque vivants. L’escalier continuait de chaque côté et elle hésita à emprunter un chemin plutôt que l’autre. 

Alors elle tira un battant de la porte, et une immense salle apparut. Elle était remplie de rayonnages de livres, jusqu’au plafond. Des échelles coulissantes étaient placées régulièrement. Des tables étaient disséminées un peu partout, entourées de chaises en bois poli. Sur chaque table,  une lampe brillait doucement, et pourtant il n’y avait pas de bougies. De grandes baies vitrées donnaient vers l’extérieur et se trouvaient en surplomb sur la colline. Hélas, la vue, qui aurait pu donner sur un paysage magnifique, était bouchée par le brouillard sombre qui enveloppait tout le pays. Avant d’aller plus loin à la recherche de sa sœur, Lucie ne résista pas au plaisir de regarder quelques livres, qu’elle dépoussiéra avant de les feuilleter. Elle découvrit ainsi, dans un ouvrage ancien de géographie, un parchemin plié en quatre, et recouvert d’une belle écriture serrée. 

 Quelle ne fut pas sa surprise en commençant à lire. Il s’adressait ... à elle ! Cela racontait comment Mélissa avait acquis des pouvoirs de magie noire, comment le pays allait pour de nombreuses années sombrer sous le joug de la reine, et annonçait qu’une enfant au prénom prédestiné allait mener sur le chemin de la liberté et de la lumière les habitants du royaume. Lucie fut toute chamboulée par ce qu’elle lisait. Il était écrit qu’elle devait rallier les enfants de moins de 16 ans, et indiquait quels livres ils devraient étudier pour vaincre la magicienne... Il y avait même un post-scriptum : Lucie était libre de suivre cette voie, ou d’essayer de trouver sa sœur. Mais si elle trouvait sa sœur, elle ne pourrait rien faire et risquait en outre d’être interceptée et emprisonnée au château.

Lucie remit les livres en place, et décida de revenir plus tard. Par contre elle emporta la missive. Elle reprit le chemin en sens inverse jusqu’à la forêt, et arrivée à l’endroit indiqué par Pierre et Thomas, elle se faufila dans le sentier et trouva la grotte. 

De nombreux enfants se trouvaient là, par petits groupes. Elle finit par trouver ses deux amis. Elle leur raconta ce qu’elle avait vu et leur montra la lettre. Ils sonnèrent alors dans une trompe et tout le monde se tut, et s’approcha. C’est Thomas qui s’adressa à la foule pour les informer. Un grand silence suivit son annonce, puis ce fut un ouragan d’applaudissements et de cris de joie. Alors Pierre proposa de s’organiser.  

Pendant les jours et les semaines qui suivirent, ils travaillèrent à leur projet. Ils firent plusieurs groupes. Ils se rendirent régulièrement à la bibliothèque du château, en faisant bien attention de ne pas se faire prendre. Ils étudièrent les livres indiqués, s’accordant des pauses pour consulter d’autres ouvrages dont certains pour leurs illustrations montrant le monde tel qu’il avait été auparavant. Ensuite ils échangeaient leurs idées, faisant le point sur leurs découvertes. 

Puis le projet se précisa. Ils allaient bâtir un engin capable d’amplifier la lumière, et le son. Ils récoltèrent dans leurs familles des tas d’objets, notamment des morceaux de verre de toutes les tailles. Ils polirent ces  bouts de verre pour en faire des lentilles. Ils façonnèrent une base solide, sur des roues, et y placèrent leurs miroirs. En suivant des directives extraites des livres de la bibliothèque, ils recréèrent des faisceaux de lumière d’une grande force, reliés à des dynamos qui fournissaient de l’énergie à leur machine. Ils la décorèrent avec des petits morceaux d’étoffes chatoyantes sur lesquels ils brodèrent des animaux avec du fil doré. Ils s’inspirèrent des dessins gravés sur la porte de la bibliothèque, et d’images trouvées dans les livres. Ils surent construire des amplificateurs de son, qu’ils pouvaient porter autour du cou. Et ils apprirent les chansons de toutes les familles du village, qu’ils chantaient en travaillant pour se donner de l’entrain. Ils gardèrent le secret, trouvant des explications aux questions de leur famille, pour celles qui en posaient. 

Ils avaient découvert dans les livres que le 21 juin était propice : c’était une fête très ancienne qui marquait le solstice d’été, la journée la plus longue de l’année, la lumière la plus intense. Ils apprirent que c’était aussi l’anniversaire de la Reine Mélissa, même si aucune festivité n’était jamais prévue. Et bien cette année, ils allaient lui offrir un beau cadeau ! 

Ils avaient découvert dans les livres que le 21 juin était propice : c’était une fête très ancienne qui marquait le solstice d’été, la journée la plus longue de l’année, la lumière la plus intense. Ils apprirent que c’était aussi l’anniversaire de la Reine Mélissa, même si aucune festivité n’était jamais prévue. Et bien cette année, ils allaient lui offrir un beau cadeau !  

Le grand jour arrivé, ils se rendirent en procession au palais, avec toute la population du village qu’ils avaient prévenue en secret. Tout d’abord, les gardes voulurent leur barrer le passage, mais comme les villageois étaient très nombreux et décidés, et qu’ils n’avaient pas eu à affronter une telle situation depuis des lustres, ils furent bientôt dépassés par les événements. Les enfants reprirent leur place en avant, avec pour diriger le cortège Lucie, Pierre et Thomas. Ils entrèrent par la grande porte et furent reconnus par leurs frères et sœurs qu’ils retrouvèrent avec émotion. Ceux-ci les conduisirent à la salle du trône où se tenait Mélissa, en train de broyer du noir car les souvenirs de ses anniversaires passés remontaient, et ils étaient fort tristes ...

La rencontre fut intense, et quelque peu explosive. Les enfants se placèrent en demi-cercle face à la reine, et Lucie s’avança. Elle commença par lui expliquer qu’ils étaient tous là pour changer leur monde, pour eux, leurs famille mais aussi pour elle : après ce jour elle ne serait plus seule dans le brouillard qu’elle maintenait, mais elle verrait clair et pourrait emprunter une autre voie.