Comme un village...

Chaque participante reçoit le plan du village, et tire au sort un des personnages. Nous avons une fiche "personnage" à remplir : nom, description physique, âge, métier et passions, avec qui vit-il, son tempérament. Chacune lit aux autres, qui peuvent noter, ce qui concerne son personnage.

Dans le village, il y a la maison d'un personnage X. Il est créé collectivement par les participantes ; nom, aspect physique, image sur la porte, ce qu'on entend venant de chez lui, un mot ou une partie de phrase qu'on intercepte lorsqu'il parle à quelqu'un, le bruit qui court sur ce personnage.

 

Consigne : votre personnage écrit une lettre à quelqu'un dans le village, et "propage des rumeurs" sur le personnage X...

 

 

G.Perec La Vie mode d'emploi

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vie_mode_d'emploi


Cher André,

 

Ces dernier temps je n’ai pas le temps de venir prendre mon petit noir du matin sur le zinc avant de partir au boulot, trop de choses à régler avec les enfants.


Je profite d’un moment de tranquillité ce soir pour t’envoyer ce mail. Je voulais te faire part d’une question qui me turlupine depuis quelques jours. C’est au sujet de mon voisin Alexandre avec lequel, tu le sais, je n’ai pas beaucoup d’affinités étant donné ses avances insistantes à l’égard des femmes de notre âge.


Sans y prêter cependant beaucoup d’attention j’ai pu remarquer qu’il a récemment changé de style vestimentaire, d’une allure plutôt décontractée, il donne dans le grand chic avec costume, nœud "pap", chaussures Louboutin. Tout laisse supposer un événement nouveau dans sa vie. Bien sûr c’est personnel et ça ne me regarde pas, mais en fait je m’interroge sur une relation secrète avec Jérôme, l’ami d’Alexandre Valentin. En effet j’ai à plusieurs reprises aperçu Jérôme se diriger le soir vers chez A Bouillon et de façon tout à fait inhabituelle j’ai entendu des bruits de casserole. Tu sais qu’Alexandre Bouillon ne cuisine pas alors que Jérôme est un fin gourmet qui sait se faire plaisir.


C’est une face très inattendue pour un coureur de jupons. Mais la dernière chose qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est un échange entre lui et monsieur le curé, dont j’ai pu saisir une bribe en passant à leurs côtés sur la place, et entendre que c’était « péché ». Sans savoir de quoi il était question, je m’interroge sur sa confession. J’ai pensé qu’en ta position de bistrotier tu avais pu avoir d’autres échos. Tu me connais je suis discrète, mais aussi curieuse. Je ne cherche pas à faire des histoires, mais juste connaître un peu mieux mon voisin le plus proche.


Bien sûr tu gardes tout ça pour toi.

Bonne soirée

A bientôt

 

Florence

Bonjour mon cher Andreï,

 

Il faut absolument que je te confie un secret, que tu ne répèteras à personne bien entendu, je compte sur toi.

 

M. le curé m’a dit que le nouveau propriétaire de la maison à droite de la boulangerie de Mme Désiré, serait un drôle d’énergumène.

 

D’après ce que je sais, il s’appelle Alexandre Bouillon. Lorsque je l’ai croisé sur la place il y a quelques jours, j’ai remarqué qu’il était plutôt bel homme et surtout très bien habillé, toujours en costume de belle coupe, portant des chaussures de grande marque.

 

Il paraît qu’il s’est confié à M. le curé pour lui dire qu’il avait péché : il aurait eu une relation intime avec sa voisine Mme Charlot ! D’après ce que pense M. le curé, elle et ce M. Bouillon se connaîtraient depuis qu’ils sont étudiants, mais se seraient perdus de vue puis retrouvés par hasard dans notre village. Ben voyons…

 

J’ai donc pensé que tu pourrais essayer d’en savoir un peu plus en écoutant parler les clients de ton bistrot ou bien au club d’échecs. Il va de soi que tout cela doit rester discret. Mais j’aimerais bien que tu me tiennes au courant. Tu me connais, je n’en parlerai à personne mais j’avoue que cette histoire excite ma curiosité.

 

Tu transmets toutes mes amitiés slaves à ta chère maman.

                                                                                                                  Ursula-Maria

 

PS : J’aurai probablement d’autres informations croustillantes à te révéler concernant l’un de nos voisins de l’autre côté de la place…

Дарогая Юрсула , chère Ursula

 

Tout le monde vous a entendue, dimanche dernier, devant l'église, parler d'Alexandre B. et colporter, de votre si belle voix de stentor, des commentaires sur sa façon de vivre. D'ailleurs mes clients ont largement débattu - surtout après deux ou trois tournées - à propos de la moralité de notre cher concitoyen. Il faut dire que certains trouvent déplacé, dans notre modeste village, son élégance vestimentaire. Notre ami Alexandre Valentin n'a pas pu cacher sa jalousie, car les souliers de son homonyme sont, paraît-il, excessivement chics, chers et recherchés.

 

Mais tenez-vous des preuves, chère Ursula, que notre personnage soit un coureur invétéré ? Lui qui se targue d'être exemplaire, et cordon-bleu ! Savez-vous à qui il réserve ses petits plats, mitonnés souvent au cœur de la nuit ? Peut-être n'est-il qu'un fin gourmet, qui a une passion - que certains trouveraient dévorante - pour la bonne chair ?

 

Il m'a raconté qu'il fait pousser dans son potager plusieurs variétés d'arbres fruitiers. Il est bien courageux, car il creuse souvent un grand trou pour replanter une nouvelle espèce. Parmi ses pêchers, il en possède un produisant des fruits particulièrement énormes et juteux, grâce auquel il pense remporter le concours de pâtisserie du Canton. Il m'a promis de mettre sa recette de Pêcher Mignon au menu du dimanche, pour mon établissement. J'espère bien que cela va attirer une nombreuse clientèle ! J'ai d'ailleurs une faveur à vous demander, chère Ursula : le jour de lancement, pourriez-vous nous honorer d'un petit concert au moment du dessert ? Il va de soi qu'il faudra garder le silence sur ce projet, jusqu'à sa réalisation ! Je compte sur vous ...

 

Revenons à notre énergumène : je peux vous dire que les repas chez lui sont souvent bien arrosés, et qu'il se fournit abondamment en pousse-cafés auprès de moi. Il a un grand faible pour la vodka à l'herbe de Bison, que vous appréciez bien vous-même.

 

Quand à ses conquêtes, à moins qu'il n'ait une relation cachée avec notre voisine commune, Florence (après tout, ils peuvent passer par leurs jardins mitoyens ...) je n'ai pas remarqué de femmes qui sortiraient de chez lui. Quoique, il y a bien eu cette brune, un peu italienne, qui m'a demandé où il habitait... Et j'y pense maintenant, cette autre, discrète, qui a pris un café en terrasse, a regardé l'heure et s'est dirigée vers chez lui. En tous cas, elles n'en sont pas sorties de la journée. De là à se demander si elles n'en sont pas sorties du tout ...

 

A bientôt, chère Ursula; nous pourrons en discuter mardi soir, lors de notre partie d'échecs hebdomadaire.

Je vous baise la main.

Votre dévoué,

Andreï

Allo Florence !

 

Il y avait trop de monde dans la boutique, tout à l’heure quand tu es venue chercher le pain, mais je ne peux résister à l’envie de te raconter ce qui m’est arrivé ce matin.

Mon voisin est venu acheter des croissants et des brioches, lui qui est toujours tout seul d’habitude. Je lui ai demandé s’il allait loin, s’il voulait une boîte. Il m’a dit avec un grand sourire : « non merci, je rentre chez moi, on m’attend ». Tu crois qu’il a enfin fait une conquête ?

-Tu sais, Désirée, j’ai entendu dire qu’il allait se marier, mais je ne l’ai jamais vu avec une femme.

- Il vit peut-être dans le péché, c’est peut-être une femme mariée ? Mais je te laisse, il y a à nouveau du monde. On se tient au courant.

Désirée

Chère Désirée,

  

Je t’écris en tant que bonne voisine, pour vous mettre en garde. D’habitude, ne n’ai rien à faire des ragots, mais là, j’y suis obligée. J’ai la certitude que Monsieur « je suis meilleur que tout le monde », avec ses belles chaussures et son nœud « pap » (tu vois bien qui je veux dire) maltraite son chien. Il a été entendu, parlant au curé de « péché » il y a une semaine. J’entendais souvent son petit caniche, Cannelle, couiner de peur, et comme par hasard je ne l’entends plus depuis une semaine également. Par contre, j’entends les bruits de casseroles venant de chez lui. Je le suspecte d’avoir trucidé la pauvre bête et de l’avoir cuisiné, pour faire disparaître l’évidence de son crime. Je ne vois pas d’autre explication. Enfin, je me permets de vous en parler car votre Husky, Max, aboie souvent en votre absence et pourrait provoquer la colère et la folie meurtrière de M. Bouillon (ce n’est peut-être pas par hasard qu’il porte ce nom !). Il vaudrait mieux mettre Max à l’abri, car cet homme est dangereux !

 

Bien à vous, votre voisine,

 C.L.

 

PS : Je sais de quoi je parle car, comme tu le sais, par le passé j’étais assez intime avec M.B. et il est carrément indomptable.